Œuvres d’art et impôt sur la fortune improductive : ce que change la réforme 2025
16 novembre 2025
Adoptée dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 2025, la réforme du Impôt sur la fortune immobilière (IFI) marque une évolution majeure : il devient désormais l’impôt sur la fortune improductive.
Pour la première fois, certaines catégories d’actifs non immobiliers dont les œuvres d’art, bijoux, meubles anciens et objets de collection entrent dans le champ de la taxation du patrimoine.
Cette décision, soutenue par une alliance inédite entre le MoDem, le PS et le Rassemblement National, bouleverse l’équilibre fiscal entre patrimoine immobilier et patrimoine culturel. Si la mesure est confirmée dans le texte final, elle pourrait s’appliquer dès 2026.
Les nouvelles règles de l’impôt sur la fortune improductive
Le barème devrait rester proche de celui de l’actuel IFI
- un seuil d’imposition fixé à 1,3 million d’euros de patrimoine net,
- un taux unique de 1 % appliqué à la fraction supérieure,
- et un abattement d’un million d’euros sur la résidence principale.
Jusqu’ici, les œuvres d’art étaient exonérées de tout impôt sur la fortune, une exception française saluée dans le monde de la culture. Cette réforme change donc profondément la donne.
Pourquoi la taxation des œuvres d’art fait débat
1. Une mesure difficile à appliquer
Les œuvres d’art sont uniques : leur valeur dépend du marché, des ventes passées ou de l’évaluation d’experts.
Même les professionnels peinent à fixer un prix exact. Comment, dès lors, évaluer un tableau ou une sculpture pour le fisc ?
Les agents n’étant pas formés à l’expertise artistique, la mesure semble difficilement applicable dans la pratique.
2. Un risque économique important
Les professionnels estiment le rendement fiscal à moins de 100 millions d’euros, une somme jugée dérisoire au regard des risques économiques, mais les conséquences économiques pourraient être lourdes :
- fuite des collections privées vers la Belgique ou le Royaume-Uni,
- délocalisation des ventes aux enchères,
- baisse d’activité pour les galeries françaises.
Le secteur de l’art emploie plus de 50 000 personnes directement, et près de 80 000 de manière indirecte (restaurateurs, encadreurs, artisans d’art). Une contraction du marché mettrait tout un écosystème en danger.
3. Une injustice fiscale
Contrairement à l’immobilier, les œuvres d’art ne génèrent pas de revenus.
Elles nécessitent au contraire des dépenses de conservation, d’assurance et de restauration.
Taxer ces biens reviendrait donc à pénaliser la conservation du patrimoine et à dissuader le mécénat.

Les réactions du monde de l’art
Le Syndicat National des Antiquaires (SNA), les galeristes et les maisons de ventes dénoncent une mesure « contre-productive ».
Selon eux, cette réforme risque de :
- affaiblir la place de la France sur le marché international,
- décourager les prêts et donations aux musées,
- et appauvrir le patrimoine public.
Mathias Ary Jan, président du SNA, résume ainsi la crainte du secteur :
« Taxer les œuvres d’art, c’est taxer la culture elle-même. »
Une exception française remise en cause
Alors que la plupart des pays européens — Espagne, Italie, Belgique, Suisse, Royaume-Uni — continuent d’exonérer les œuvres d’art, la France s’en écarte avec cette réforme.
Cette rupture pourrait nuire à son attractivité culturelle et fiscale, au moment même où le marché de l’art français commençait à regagner du dynamisme.
Conclusion
L’inclusion des œuvres d’art dans le nouvel impôt sur la fortune improductive soulève de nombreuses interrogations.
Si elle vise à élargir la base fiscale, elle menace aussi la création artistique, la transmission du patrimoine et le rayonnement culturel français.
La question reste entière : comment trouver un équilibre entre justice fiscale et protection du patrimoine culturel?
FAQ – Œuvres d’art et impôt sur la fortune
Les œuvres d’art étaient-elles taxées avant ?
Non, elles étaient totalement exonérées de l’ISF puis de l’IFI.
Qui est concerné ?
Les foyers dont le patrimoine net dépasse 1,3 million €, y compris les collections d’art importantes.
Quelles conséquences pour les musées ?
Moins de prêts et de donations d’œuvres, donc un appauvrissement potentiel du patrimoine public.
Et à l’étranger ?
La plupart des pays européens continuent d’exonérer les œuvres d’art pour soutenir leur marché culturel.